Le nouveau divorce par consentement mutuel est entré en vigueur le 1er janvier 2017. Les parties se passeront désormais de juge, la réforme s’inscrivant dans un mouvement plus large qui vise à simplifier la justice en évitant le recours au juge en l’absence de conflit.
Le décret d’application, publié in extremis, le 29 décembre 2016, à 3 jours de l’entrée en vigueur de la réforme, ainsi qu’un communiqué de presse du garde des Sceaux publié le 27 décembre 2016, apportent d’importantes précisions quant à la procédure et aux rôles de chacun.
Aperçu.
Le paysage français des divorces
Le communiqué de presse du garde des Sceaux expose que le nombre de divorces serait désormais en baisse, soit 124.000 en 2015 contre 155.000 en 2005.
Il existe deux grandes catégories de divorce en France : le divorce par consentement mutuel (ou communément désigné sous l’expression galvaudée de « divorce à l’amiable ») et le divorce dit « contentieux ».
Il n’est pas possible de divorcer pour un motif autre que ceux prévus par la loi. Ainsi, le divorce est soit contentieux soit par consentement mutuel.
1. Le divorce contentieux peut prendre trois formes :
- le divorce pour faute (8 504 en 2015) : Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. Tel est le cas, par exemple, des violences conjugales ou de l’infidélité. Le divorce peut alors être prononcé aux torts exclusifs de l’un des époux ou aux torts partagés des deux époux.
- le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage (29 656 en 2015) : les époux s’accordent sur le principe même du divorce mais ne s’entendent pas nécessairement sur les conséquences de la rupture (les époux peuvent néanmoins être d’accord sur l’ensemble des conséquences du divorce mais préférer, pour des raisons diverses et variées, notamment pécuniaires, ce type de divorce au divorce par consentement mutuel)
- le divorce pour altération définitive du lien conjugal (16 288 en 2015) : le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré. L’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis deux ans à la date de l’assignation en divorce.
2. Le divorce par consentement mutuel (67 875 en 2015) peut être demandé si les époux s’accordent aussi bien sur le principe même du divorce que sur l’ensemble de ses effets (partage des biens, autorité parentale, pension alimentaire, prestation compensatoire). Il ne peut subsister aucun désaccord, serait-il minime ou résiduel.
La réforme du divorce par consentement mutuel
La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du 21ème siècle a profondément modifié la procédure de divorce par consentement mutuel, qui ne fera plus intervenir le juge que dans des cas restreints.
Il faut savoir que cette réforme est entrée par la petite porte puisqu’elle est issue d’un amendement déposé en catimini et finalement adopté contre l’avis majoritaire des professionnels de la justice, notamment des magistrats.
La loi a prévu que la réforme entrerait en application à compter du 1er janvier 2017.
Or, à quelques jours de cette date butoir, aucun décret d’application n’avait encore été publié!
Un communiqué de presse du ministre de la Justice, dépourvue de toute valeur normative, sera finalement diffusé le 27 décembre 2016 et le décret d’application publié au JO le 29 décembre, à trois jours seulement de l’entrée en vigueur de la réforme.
Le point central de cette réforme est la « déjudiciarisation » du divorce par consentement mutuel: la convention de divorce prendra dorénavant la forme d’un acte sous signature privée qui ne sera plus soumis à l’homologation d’un juge. L’idée force, selon le garde des Sceaux, est, d’une manière générale, de soustraire au service public de la justice toutes les procédures où les parties ne sont pas en conflit, pour recentrer le travail des magistrats sur les contentieux et libérer ainsi une pan jugé important de leur activité.
Les cas d’ouverture du nouveau divorce par consentement mutuel
Le divorce par consentement mutuel requiert un accord global des époux tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences.
Bien entendu, il est possible d’envisager une telle procédure en l’absence d’un tel accord et ce sera précisément la fonction des travaux préparatoires à la convention que d’en susciter l’émergence.
Deux cas d’exclusion sont expressément définis par la loi.
En effet, il résulte des dispositions de l’article 229-2 du code civil :
« Les époux ne peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats lorsque :
1° Le mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l’article 388-1, demande son audition par le juge ;
2° L’un des époux se trouve placé sous l’un des régimes de protection prévus au chapitre II du titre XI du présent livre ».
Autrement dit, lorsqu’un enfant mineur demande à être entendu par le juge, la juridiction derva être saisie dans les conditions précédemment en vigueur (Art. 1148-2 CPC).
Ce type de divorce n’est, en outre, pas ouvert aux personnes placées sous un régime de protection.
Le déroulement de la procédure
- La rédaction de la convention de divorce
Dorénavant, il n’est plus possible, pour les époux, de se faire assister par le même avocat.
L’obligation de recourir à deux avocats, un pour chaque époux, est présentée par le ministère de la Justice, comme une garantie donnée au conjoint le plus faible, qui ne dépendra jamais de l’avocat de l’autre et dont les intérêts seront bien défendus.
Si l’intention est louable, il est à relever que pareille mesure est indubitablement un facteur de surenchérissement du coût de la procédure de divorce par consentement mutuel qui perd là l’un de ses principaux attraits par rapport au divorce contentieux.
Ainsi donc, chaque époux devra choisir son propre avocat et chacun devra régler les honoraires de son avocat.
Les avocats se rapprocheront et des rendez-vous en présence ou non des époux pourront être organisés pour finaliser la convention.
Cette phase de négociation précontractuelle sera essentielle tant pour la sécurité juridique de l’acte que pour l’aboutissement d’un accord global qui soit suffisamment protecteur de tous les intérêts en présence.
La convention est ensuite rédigée par les avocats et doit comprendre toutes les mesures subséquentes au divorce.
Si un enfant est issu du mariage et qu’il est capable de discernement, il devra être informé de son droit à être entendu par le juge. Un formulaire devra être renseigné et signé par les parties en ce sens, annexé à la convention de divorce.
Le nouvel article 229-3 du code civil liste les mentions et dispositions que doit contenir la convention à peine de nullité :
1° Les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux, la date et le lieu de mariage, ainsi que les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun de leurs enfants ;
2° Le nom, l’adresse professionnelle et la structure d’exercice professionnel des avocats chargés d’assister les époux ainsi que le barreau auquel ils sont inscrits ;
3° La mention de l’accord des époux sur la rupture du mariage et sur ses effets dans les termes énoncés par la convention ;
4° Les modalités du règlement complet des effets du divorce, notamment s’il y a lieu au versement d’une prestation compensatoire ;
5° L’état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation ;
6° La mention que le mineur a été informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l’article 388-1 et qu’il ne souhaite pas faire usage de cette faculté.
Les nouvelles dispositions du code de procédure civile ajoutent également :
- Le nom du notaire ou de la personne morale titulaire de l’office chargé de recevoir l’acte en dépôt de l’acte au rang de ses minutes ;
- La valeur des biens ou droits attribués à titre de prestation compensatoire (Art. 1144-3 CPC);
- Lorsque la convention de divorce fixe une pension alimentaire ou une prestation compensatoire sous forme de rente viagère : les modalités de recouvrement, les règles de révision de la créance et les sanctions pénales encourues en cas de défaillance (Art. 1144-4. CPC);
- En annexe le cas échéant : l’état liquidatif de partage en la forme authentique (Art. 1145 alinéa 2 CPC);
- L’acte authentique d’attribution de biens soumis à publicité foncière (Art. 1145 alinéa 2 CPC) A noter à cet égard : lorsque des biens ou droits attribués à titre de prestation compensatoire sont soumis à la publicité foncière, l’attribution est opérée par acte dressé en la forme authentique devant notaire.
- Le délai de réflexion
Une fois le projet de convention rédigé, l’avocat devra l’adresser à l’époux qu’il assiste, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Le projet ne pourra être signé, à peine de nullité, avant l’expiration d’un délai de réflexion d’une durée de quinze jours à compter de la réception.
- La signature et la conservation de l’acte
A l’expiration du délai de quinze jours précité, la convention de divorce est signée par les époux et leurs avocats ensemble, en trois exemplaires.
Le cas échéant, un quatrième original est établi, dans les mêmes conditions, pour permettre la formalité de l’enregistrement.
Chaque époux conserve un original de la convention accompagné, le cas échéant, de ses annexes et revêtu des quatre signatures.
Le troisième original est destiné à son dépôt au rang des minutes d’un notaire.
Une séance de signature de l’acte devra donc être tenue en présence des deux parties et de leurs avocats.
La convention, le cas échéant accompagnée de ses annexes, devra être transmise au notaire, à la requête des parties, par l’avocat le plus diligent, dans un délai de sept jours suivant la date de signature.
Le notaire disposera d’un délai de quinze jours pour déposer la convention au rang des minutes et remettra une attestation de dépôt qui permettra aux avocats des parties de procéder aux formalités de transcription en marge de l’acte de mariage et des actes de naissance des époux.
La loi est parfaitement mutique quant aux conséquences d’un éventuel dépassement des délais qui, en l’état, ne paraissent pas avoir été prescrits à peine de nullité.
En application de l’article 229-1 du Code civil, le simple dépôt au rang des minutes confère date certaine et force exécutoire à la convention.
Comme l’a rappelé le garde des Sceaux, ni les parties ni les avocats ne se présentent devant le notaire, dont le rôle est très limité.
Ce dernier ne remplace pas le juge : il ne contrôle pas le consentement des parties ou l’équilibre de la convention, ces missions étant assurées par les avocats.
Les avocats devront également envoyer aux impôts la convention, aux fins d’enregistrement, le notaire procédant pour sa part aux formalités d’enregistrement des actes soumis à publicité foncière.
La prise d’effet de la convention
L’article 229-1 alinéa 3 du code civil dispose que « Ce dépôt donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et force exécutoire ».
L’article 229-4 alinéa 2 du code civil confirme que « La convention a force exécutoire au jour où elle acquiert date certaine. »
Le mariage est donc dissout à la date du dépôt de la convention au rang des minutes du notaire.
Toutefois, l’article 262-1 précise que la convention prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens « à la date à laquelle la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce acquiert force exécutoire, à moins que cette convention n’en stipule autrement ».
Autrement dit, à défaut de stipulation contraire, la convention prendra effet, dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, à la date du dépôt au rang des minutes.
Les parties auront toutefois la possibilité de prévoir une entrée en vigueur rétroactive.
Ceci ne concerne, cependant, que leurs rapports réciproques.
A l’égard des tiers, le divorce ne sera opposable qu’à compter de la transcription du divorce sur les actes d’état civil.
Un divorce plus rapide et moins cher ?
Les mérites de la réforme ont été vendus par le gouvernement au regard d’un raccourcissement du délai de procédure.
Aux dires du ministère de la Justice, la procédure de divorce par consentement mutuel devant le juge durait 3,5 mois en moyenne à partir de sa saisine, avec cependant une durée très variable selon les tribunaux.
Avec la nouvelle procédure, le seul délai prévu est celui de rétractation, qui est de quinze jours.
L’effet escompté se fera sans doute beaucoup moins sentir dans les HAUTES-ALPES (05), à GAP, où la procédure durait entre 1 et 2 mois à compter du dépôt de la requête.
En réalité, la procédure, en elle-même, n’était pas tellement longue et les délais rencontrés étaient surtout ceux nécessaires à l’émergence d’un accord entre les parties.
L’enthousiasme du ministère doit donc certainement être nuancé, pour le territoire haut-alpin à tout le moins.
Quant au coût finalement supporté par les époux, il est très probable que celui-ci n’excède celui qui aurait été supporté dans le cadre de la précédente procédure, puisque le recours à un seul avocat est exclu.
Des honoraires devront être réglés à chacun des avocats et ceux-ci seront variables, puisqu’ils dépendent de la situation qui pourra, selon les cas, nécessiter un temps de travail plus ou moins long.
Il est à rappeler, à ce sujet, que les honoraires des avocats sont libres et fixés en fonction de plusieurs critères, notamment : la difficulté / complexité du dossier, la notoriété de l’avocat, la nature des prestations à accomplir, l’enjeu financier ou l’importance des intérêts en cause, la situation de fortune du client.
Un droit d’enregistrement devra, en outre, être réglé, d’un montant de 50 euros, auquel s’ajoutera le droit de partage au taux de 2,50 % et les éventuels frais de notaire et d’enregistrement propres à l’acte liquidatif annexé à la convention.
- Le partage des frais
L’article 1144-5 du code de procédure civile prévoit que la convention de divorce fixe la répartition des frais de celui-ci entre les époux, sous réserve de l’application des dispositions de l’article 123-2 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 lorsque l’un des époux bénéficie de l’aide juridictionnelle. A défaut de précision, les frais sont partagés par moitié entre les époux.
Entrée en vigueur
La réforme est entrée en application à compter du 1er janvier 2017.
Les requêtes en divorce par consentement mutuel déposées au greffe du juge aux affaires familiales avant le 31 décembre 2016 demeurent régies par l’ancienne procédure (homologation du juge – possibilité d’avoir recours à un seul avocat pour les deux parties).
Les textes de référence
Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle – Chapitre II : Unions et séparations – Art. 50 – JO du 19 novembre 2016
Code civil - Livre Ier – Titre VI – Chapitre Ier – Section 1 : Du divorce par consentement mutuel – Paragraphe 1 : Du divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire – Art. 229 -1 et s.
Décret n° 2016-1907 du 28 décembre 2016 relatif au divorce prévu à l’article 229-1 du code civil et à diverses dispositions en matière successorale – JO du 29 décembre 2016
Arrêté du 28 décembre 2016 fixant le modèle de l’information délivrée aux enfants mineurs capables de discernement dans le cadre d’une procédure de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire – JO du 29 décembre 2016