Retour sur les conséquences de l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d'urgence sanitaire.
Le Gouvernement vient, pour la troisième fois depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire dans le contexte de la lutte contre la propagation de l’épidémie de Covid-19, d’édicter des règles spécifiques pour aménager les délais échus pendant la période d’urgence sanitaire.
Les mesures prises pour lutter contre la propagation de la pandémie placent chacun, particulier, entreprise, employeur, collectivité publique, dans une situation exceptionnelle, liée notamment au confinement et à la perturbation des services publics de la poste et de la justice, rendant impossible le respect des délais contractuels et procéduraux.
La loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 du 23 mars 2020 habilite le Gouvernement à prendre dans un délai de trois mois à compter de sa publication, toute mesure relevant du domaine de la loi pouvant entrer en vigueur à compter du 12 mars 2020, afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation du covid-19 et des mesures pour limiter cette propagation (titre II, art. 11, I [2°]).
Dans ce cadre, l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, et plus précisément son titre I, vise à apporter de la sécurité juridique en organisant l'aménagement des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et en adaptant es procédures pendant cette même période.
L’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d'urgence sanitaire est venu modifier l’ordonnance du 25 mars 2020, afin de prendre en compte les mesures d’allègement du confinement à partir du 11 mai, lesquelles devraient permettre une reprise d'activité économique.
Il s’agit de la deuxième modification apportée au texte du 25 mars 2020, une précédente ordonnance du 15 avril 2020 ayant déjà réécrit en partie ledit texte.
Ainsi, ce ne sont pas moins de trois ordonnances qui ont été édictées, en moins de deux mois, pour aménager les délais et procédures durant la périodes d’état d’urgence sanitaire liée à la pandémie du Covid-19.
Explication de texte.
Pour mémoire : le mécanisme de prorogation des délais institué par l’ordonnance du 25 mars 2020
La période juridiquement protégée
Rappelons tout d’abord que le titre I de l’ordonnance du 25 mars 2020 institue une « période juridiquement protégée », selon l’expression employée par la Circulaire de présentation des dispositions contenues dans cette ordonnance, comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Aux termes de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré pour une durée de deux mois à compter de l'entrée en vigueur de la loi ; celle-ci est entrée en vigueur non le jour de sa publication mais immédiatement le jour de sa signature, soit le 23 mars 2020.
Par suite, l’état d’urgence sanitaire devait prendre fin le 23 mai 2020 à minuit.
Compte tenu des dispositions de l'article 4 de la loi d'urgence précitée et de la définition de la période juridiquement protégée par l'ordonnance n° 2020-306 (fin de l'état d'urgence sanitaire + 1 mois), ladite période devait se terminer le 23 juin à minuit.
Ainsi, au titre de l’article 1er de l’ordonnance, sont prorogés les délais échus ou les actes devant être accomplis entre le 12 mars 2020 et le 23 juin à minuit.
Les actes concernés
Sont concernées notamment les situations suivantes :
– les actes et formalités prescrits par la loi ou le règlement qui doivent être réalisés dans un délai déterminé et dont l’inexécution est sanctionnée par un texte (par exemple inscription aux fins de publicité sanctionnée par l’inopposabilité ou la nullité de l’acte ou de la formalité d’enregistrement) ;
– les actions en justice, recours et actes de procédure qui doivent être réalisés dans un délai légalement déterminé à peine de sanction (par exemple caducité pour défaut d’enrôlement de la citation dans le délai prescrit, forclusion pour non-respect d’un délai pour agir…) ; pour les délais de procédure, l’article 2 de l’ordonnance portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale renvoie à la présente ordonnance ;
– les paiements prescrits par des dispositions législatives ou réglementaires en vue de l’acquisition ou la conservation d’un droit (par exemple paiement de la redevance auprès de l’INPI pour le dépôt d’un droit de propriété intellectuelle) ;
– certaines mesures administratives ou judiciaires listées à l’article 3 ;
– les astreintes quelle que soit leur origine ;
– les clauses contractuelles visant à sanctionner l’inexécution du débiteur dans un certain délai (clauses résolutoires, clauses pénales, clauses de déchéance) ;
– les conventions ne pouvant être résiliées ou dénoncées que dans un certain délai ;
– les délais et procédures en matière administrative qui n’ont pas fait l’objet d’un aménagement particulier par ou en application de la loi du 23 mars 2020 mentionnée ci-dessus.
Le mécanisme mis en place par l’article 2
Voici ce que prévoit l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020 :
« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. »
En d’autres termes, l’acte qui aurait dû être accompli pendant la période juridiquement protégée « sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ».
Il ne s’agit là ni d’une interruption ni d’une suspension des délais.
C’est un mécanisme original, sui generis, qu’a institué le Gouvernement.
Comme le précise la circulaire, le texte ne prévoit pas une « suppression de l’obligation de réaliser tous les actes ou formalités dont le terme échoit dans la période visée ».
L’effet de l’article 2 de l’ordonnance est d’interdire que l’acte intervenu dans le nouveau délai imparti puisse être regardé comme tardif :
« Ainsi, alors même qu’il est réalisé après la date ou le terme initialement prévu, l’acte peut, en vertu de l’article 2 de l’ordonnance, être régulièrement effectué avant l’expiration d’un nouveau délai égal au délai qui était initialement imparti par la loi ou le règlement, lequel recommence à courir à compter de la fin de la période juridiquement protégée définie à l’article 1er (c’est-à-dire à l’issue de la période d’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois). Ce délai supplémentaire après la fin de la période juridiquement protégée ne peut toutefois excéder deux mois : soit le délai initial était inférieur à deux mois et l’acte doit être effectué dans le délai imparti par la loi ou le règlement, soit il était supérieur à deux mois et il doit être effectué dans un délai de deux mois. »
La réécriture de l’ordonnance du 25 mars 2020 par l’ordonnance du 13 mai 2020
Comme ci-avant indiqué, l’état d'urgence sanitaire avait initialement été déclaré par la loi d'urgence précitée pour une durée de deux mois ; il devait donc prendre fin le 23 mai 2020 à minuit.
Cependant, la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, a prolongé l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020 inclus.
En toute logique, la période protégée, s’agissant des délais échus ou à échoir à partir du 12 mars 2020, aurait dû être prolongée jusqu’au 10 août 2020 (fin de l'état d'urgence sanitaire + 1 mois).
Toutefois, le Gouvernement a décidé de figer la fin de la période protégée telle qu’elle avait été initialement calculée pour l’ensemble des acteurs économiques, institutionnels et de la justice, en considérant que l’allègement des mesures de confinement à partir du 11 mai 2020, devrait permettre une reprise d'activité économique, de sorte qu’une prolongation de la période protégée au-delà du 23 juin 2020 ne se justifierait pas.
Dans ce contexte, l’ordonnance du 13 mai 2020 a supprimé la référence glissante que constitue la fin de l'état d'urgence sanitaire, estimée comme n’étant plus pertinente en l’état du déconfinement.
Dans la mesure où l'activité économique, selon les prévisions gouvernementales, devrait reprendre à compter du 11 mai, et que l’allègement du confinement permettra aux opérateurs économiques de procéder aux actes et formalités prescrits par la loi, le Gouvernement a estimé qu’à cette référence fondée sur la fin de l'état d'urgence sanitaire peut être désormais substituée une date fixe dans l'ordonnance qui a adapté les délais à la crise sanitaire.
Ainsi, le a du 1° du 1er article de l’ordonnance du 25 mars 2020 est modifié pour fixer au 23 juin 2020 la date d'achèvement de la période juridiquement protégée.
Le choix de cette date est explicité dans le Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d'urgence sanitaire :
« Dans un souci de sécurité juridique, le choix a été fait de retenir la date du 23 juin à minuit, car elle correspond à la date qu'avaient anticipé tous les acteurs, compte tenu des dispositions de l'article 4 de la loi d'urgence précitée qui avait déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 23 mai minuit, et de la définition de la période juridiquement protégée par l'ordonnance n° 2020-306 (fin de l'état d'urgence sanitaire + 1 mois). »
Le b complète également la liste des délais exclus du champ d'application du titre Ier de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 en y ajoutant l'établissement des actes de l'état civil relatant des événements survenus à compter du 24 mai 2020.
Cette exclusion est justifiée par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité des services de l'état civil, services publics essentiels à la population, alors que les mesures de confinement vont être allégées. Ainsi, à compter du 24 mai 2020, les actes de l'état de civil, en particulier les déclarations de naissance, devront pouvoir être établis dans les délais prévus par la loi.
A contrario, le 2° prolonge le délai de prorogation des mesures visées à l'article 3 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 pour éviter à ces mesures d'échoir le 23 août 2020 (23 juin + deux mois) et permet aux intéressés d'accomplir les formalités nécessaires dans le courant du mois de septembre.
Les mesures administratives ou juridictionnelles suivantes et dont le terme vient à échéance au cours de la période juridiquement protégée sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois suivant la fin de cette période (contre deux auparavant), soit le 23 septembre 2020 :
1° Mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation ;
2° Mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction ;
3° Autorisations, permis et agréments ;
4° Mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ;
5° Les mesures d’aide à la gestion du budget familial.
Toutefois, le juge ou l’autorité compétente peut modifier ces mesures, ou y mettre fin, lorsqu’elles ont été prononcées avant le 12 mars 2020.
Une telle modification évite à ces mesures d’échoir le 23 août 2020 (23 juin + deux mois) et permet aux intéressés d’accomplir les formalités nécessaires jusqu’au 23 septembre 2020 inclus.
Références
LOI n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions
LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19