Écrit par
Maître Elodie DUCREY‑BOMPARD
Actualités jurisprudentielles

Écrit par Maître Fabien BOMPARD

15 février 2024

 

Annulation du contrat de vente pour non-respect des obligations précontractuelles d'information

 

Selon la Cour de Cassation, dans son arrêt rendu le 20 décembre 2023, un manquement du professionnel à l'égard du consommateur aux obligations d'information précontractuelles visées par l'article L. 111-1 du Code de la consommation entraîne l'annulation du contrat de vente lorsque le défaut d'information porte sur des éléments essentiels du contrat. 

Cet arrêt est l'occasion, pour la Haute Cour, d'affirmer sa volonté de protection du consommateur: 

 

  • L'arrêt - le litige

Selon l'arrêt attaqué (Cour d'appel d'Amiens, 3 mai 2022), le 4 juin 2018, à l'occasion d'une foire, M. et Mme [Y] (les acquéreurs) ont conclu avec la société Futur éco habitat (la société venderesse) un contrat portant sur l'acquisition, l'installation et la mise en service de panneaux photovoltaïques.

Invoquant des carences dans les mentions devant figurer sur le bon de commande, M. [Y] a assigné le vendeur en annulation du contrat et en indemnisation.

Les juges du fond, saisis en appel, annulent le contrat et ordonnent la restitution de la somme déjà versée assortie des intérêts au taux légal au bénéfice des consommateurs demandeurs à l’action. La nullité est ordonnée sur le fondement de l’article L. 111-1 du code de la consommation mais également sur celui de l’article 1112-1 du code civil. Le vendeur se pourvoit en cassation.

 

  • La réponse de la Cour

Pour la Cour d'appel d'Amiens, l’insuffisance des termes du bon de commande, qui ne précisait ni les caractéristiques essentielles des produits achetés ni le délai de livraison et d'installation desdits produits, constituait un manquement du vendeur à son obligation d’informer l'acquéreur préalablement à la conclusion du contrat et ce manquement avait induit les acquéreurs en erreur. 

A l'initiative du pourvoi, le vendeur soutenait qu’aucun des textes invoqués ne prévoyait expressément la sanction de la nullité.

La Cour approuve, néanmoins, les magistrats de la Cour d'appel d'Amiens en leur décision et répond au vendeur en ces termes:

"5. Il résulte de la combinaison de l'article L. 111-1 du code de la consommation, qui n'assortit pas expressément de la nullité du contrat le manquement aux obligations d'information précontractuelles qu'il énonce, et de l'article 1112-1 du code civil, qu'un tel manquement du professionnel à l'égard du consommateur entraîne néanmoins l'annulation du contrat, dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du code civil, si le défaut d'information porte sur des éléments essentiels du contrat.

6. Ayant retenu que le vendeur n'avait pas satisfait aux obligations d'information précontractuelles prévues à l'article L. 111-1 du code de la consommation dès lors que ni les caractéristiques essentielles des produits achetés ni le délai de livraison et d'installation de ces produits n'étaient précisément mentionnés sur le bon de commande, ce dont il résultait que le consentement de M. [Y] sur des éléments essentiels du contrat avait nécessairement été vicié pour procéder d'une erreur, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, en a déduit, à bon droit, que le contrat de vente devait être annulé."
 

  • Pour quelles raisons cet arrêt a-t-il retenu notre attention?

La Cour de cassation énonce ici une solution qui, tout en étant conforme aux textes, n'allait pas nécessairement de soi et se révèle favorable aux consommateurs s'estimant victimes d’un défaut d’information précontractuelle

L’obligation générale d’information précontractuelle du consommateur constituent, en droit européen, l’un des droits fondamentaux du consommateur.

L’article L. 111-1 du Code de la consommation rappelle cette obligation fondamentale qui pèse sur le vendeur et la décline en des termes concrets:

"Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à titre onéreux, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, ainsi que celles du service numérique ou du contenu numérique, compte tenu de leur nature et du support de communication utilisé, et notamment les fonctionnalités, la compatibilité et l'interopérabilité du bien comportant des éléments numériques, du contenu numérique ou du service numérique, ainsi que l'existence de toute restriction d'installation de logiciel ;

2° Le prix ou tout autre avantage procuré au lieu ou en complément du paiement d'un prix en application des articles L. 112-1 à L. 112-4-1 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à délivrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à l'identité du professionnel, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;

5° L'existence et les modalités de mise en œuvre des garanties légales, notamment la garantie légale de conformité et la garantie légale des vices cachés, et des éventuelles garanties commerciales, ainsi que, le cas échéant, du service après-vente et les informations afférentes aux autres conditions contractuelles ;

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

Les dispositions du présent article s'appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité, y compris lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain. Ces contrats font également référence à la nécessité d'une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l'environnement."

Pourtant, et de façon pour le moins paradoxale, le Code de la consommation n'assortit cette obligation d’aucune sanction civile en cas d’inobservation par le professionnel. Seules des sanctions administratives et pénales (à travers la notion de pratiques commerciales trompeuses) sont prévues.

L'argumentaire du vendeur demandeur au pourvoi n'était donc pas dépourvu de pertinence et il n'était pas acquis que la Cour de cassation valide le raisonnement des juges du fond.

D'ailleurs, dans un premier temps, la Cour de Cassation reconnaît que la nullité ne peut pas être prononcée sur le fondement de l’article L. 111-1 du Code de la consommation puisque ce texte ne la prévoit pas expressément.

Cependant, la Cour de Cassation ne va pas limiter sa lecture à cet article et va énoncer qu'en revanche la nullité peut être prononcée sur le fondement du droit commun des vices du consentement, dont le régime est défini par le Code civil. 

L'arrêt vise donc l'article 1112-1 du Code civil, relative au devoir d'information, qui dispose:

"Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants."

Cet article, contrairement à l'article L.111-1 du Code de la consommation, prévoit expressément la sanction de nullité puisqu'il renvoie à l'article 1130 du Code civil dont il résulte:

"L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné."

Les magistrats précisent, néanmoins que, l’annulation est de droit que si le défaut d’information porte sur les éléments essentiels du contrat ; ils en déduisent que dans ce cas le consentement du consommateur est nécessairement vicié. 

Posé autrement, cela revient à reconnaître une  présomption de vice du consentement, dès lors que  le défaut d’information précontractuelle porte sur les éléments essentiels du contrat - c'est-à-dire les caractéristiques essentielles des produits et le délai d’exécution du contrat, de sorte que le consommateur n'a pas à rapporter la preuve que le défaut d’information portait sur un élément déterminant de son consentement. 

 

Ainsi, le renvoi au Code civil permet aux juges de pallier les lacunes du Code de la consommation et d'affirmer une volonté de protection du consommateur acquéreur en lui faisant bénéficier d'une présomption le dispensant de démontrer que le défaut d’information portait sur un élément déterminant de son consentement. 

Avec cette décision, les professionnels ont tout intérêt à revoir leurs documents contractuels afin de garantir une information complète et suffisante du consommateur, la sanction pouvant être sévère (nullité du contrat, restitution de la sommes versées assortie des intérêts au taux légal).

 

Par Maître Fabien BOMPARD, Avocat en droit civil à GAP, Hautes-Alpes (05).

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