Affaires Familiales – Divorce – Prestation compensatoire
Le divorce, qui marque la rupture des liens du mariage, met fin à toutes les obligations inhérentes à celui-ci et, notamment, le devoir de secours.
Cela signifie qu’après le prononcé du divorce, une personne qui viendrait à tomber dans le besoin, ne serait pas en droit de demander une aide matérielle auprès de son ancien conjoint.
Cependant, afin d’éviter les conséquences sociales désastreuses de certains divorces, le législateur a prévu n dispositif de de rééquilibrage patrimonial de l’après-divorce, la « prestation compensatoire ».
La prestation compensatoire a pour vocation de compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux.
En principe, cette prestation, qui est fixée par le Juge aux Affaires Familiales en cas de désaccord, prend la forme d’un capital, versé en une seule fois ou en plusieurs mensualités (articles 274, 1° et 275 du Code civil).
A titre exceptionnel, le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l’âge ou l’état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère (article 276 du Code civil).
De même, l’article 274 du Code civil prévoit que la prestation compensatoire peut être versée également sous la forme de l’attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier.
En d’autres termes, dans l’hypothèse où le débiteur de prestation compensatoire qui ne serait pas en mesure de verser un capital, pourra être amené à abandonner ses droits de propriété sur un bien immobilier qui sera attribué à son conjoint.
La décision du Juge qui prévoit un transfert de droits de propriété à titre de prestation compensatoire peut être traumatisante pour l’époux qui doit abandonner ce bien, ce qui n’aide pas à la pacification des relations familiales.
Aux yeux d’un certain nombre de commentateurs autorisés, cette disposition était peu conforme aux droits fondamentaux, et violait le principe du droit de propriété qui, en application de l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, est « un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité« .
Les juridictions nationales avaient déjà eu à se prononcer sur la conformité de cette disposition aux principes fondamentaux de la république, notamment au regard de la Constitution (Cons. const., décision n° 2011-151 QPC, du 13 juillet 2011; Cass. civ. 1, 28 mai 2014, n° 13-15.760, F-P+B+I); elles avaient considérablement cantonné l’usage mécanisme, en précisant qu’elle ne peut être ordonnée qu’à titre subsidiaire, lorsqu’il est constaté que les autres modalités d’exécution de la prestation compensatoire ne sont pas envisageables.
La Cour européenne confirme cette lecture.
Dans un arrêt du 10 juillet 2014, elle condamne la France pour atteinte à l’article 1er du premier protocole additionnel. Ce texte garantit le droit au respect des biens.
Selon la Cour, la décision ordonnant une cession forcée de bien a fait supporter au conjoint une « charge spéciale et exorbitante », qui n’était pas justifiée au regard du patrimoine dont celui-ci disposait, ce qui aurait pu lui permettre de s’acquitter de sa dette par le versement d’une somme d’argent.
Le principe est donc désormais clairement établi : l’attribution forcée d’un bien constitue une modalité d’exécution de la prestation compensatoire ayant un caractère subsidiaire et les juges doivent impérativement caractériser l’absence d’autres moyens efficaces, le principe étant et demeurant le versement d’un capital.
CEDH, 5e sect., 10 juill. 2014, n° 4944/11, Milhau c/ France