DROIT PUBLIC – DROIT ADMINISTRATIF – FONCTION PUBLIQUE – AGENT NON TITULAIRE DE DROIT PUBLIC – AGENT CONTRACTUEL DE DROIT PUBLIC
Par une décision prononcée en date du 30 septembre 2015, le Conseil d’Etat juge que bien que la durée totale de contrats à durée déterminée successifs ne peut excéder six ans et que, si l’autorité compétente entend les reconduire à l’issue d’une telle période, elle doit prendre une décision expresse et ne peut conclure avec l’agent qu’un contrat à durée indéterminée, un CDD qui conduirait en cours d’exécution à dépasser la durée de six ans n’est pas tacitement transformé en contrat à durée indéterminée.
Les dispositions de l’article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 prévoient que la durée totale de contrats à durée déterminée successifs ne peut excéder 6 ans et que, si l’autorité compétente entend les reconduire à l’issue d’une telle période, elle doit prendre une décision expresse et ne peut conclure avec l’agent qu’un contrat à durée indéterminée.
Le Conseil d’Etat juge qu’un contrat à durée déterminée conclu, en méconnaissance de ces dispositions, pour une durée qui, compte tenu de la durée des contrats successifs précédemment conclus avec le même agent, conduit, en cours d’exécution du contrat, à dépasser la durée maximale d’emploi de 6 années n’est pas tacitement transformé en contrat à durée indéterminée.
Cette décision vient poser une limite à la politique de lutte contre le recours abusif au renouvellement des CDD, à laquelle la Haute Assemblée s’était associée.
On rappellera, à cet égard et à titre illustratif, que dans un arrêt du 20 mars 2015 (CE, 20 mars 2015, n°371664), le Conseil d’Etat avait censuré une Cour pour avoir estimé que le cumul de 28 contrats et avenants durant plus de 8 ans était abusif et écarté, en conséquence, la demande indemnitaire de l’agent.
Le Conseil d’État s’était, dans cette espèce, référé à la directive n° 1999/70/CE telle qu’interprétée par la CJUE et décidé que que les dispositions de la loi du 9 janvier 1986 relative à la fonction publique hospitalière, dans leur version en vigueur au moment des faits, étaient compatibles avec ladite directive dans la mesure où elles subordonnaient la conclusion et le renouvellement de contrats à durée déterminée à la nécessité de remplacer des fonctionnaires temporairement ou partiellement indisponibles, caractérisant ainsi une » raison objective » justifiant le recours à de tels contrats.
Il avait cependant immédiatement exprimé un tempérament à cette position de principe en précisant que le juge est tenu de vérifier que le recours à des contrats à durée déterminée successifs ne présente pas un caractère abusif et, pour ce faire, de prendre en compte l’ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d’organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause.
L’arrêt qui nous intéresse, du 30 septembre 2015, marque les limites de ce mouvement de lutte contre le recours abusif au renouvellement des CDD, puisque la Haute Assemblée refuse de requalifier en CDI un CDD conclu pour une durée qui, en raison de la durée des contrats successifs précédemment conclus, conduit, en cours d’exécution du contrat, à dépasser la durée maximale d’emploi de 6 années:
« Considérant que si les dispositions citées ci-dessus de la loi du 26 janvier 1984, applicables aux agents recrutés sur un emploi permanent en fonction à la date de la publication de la loi du 26 juillet 2005, prévoient que la durée totale de contrats à durée déterminée successifs ne peut excéder six ans et que, si l’autorité compétente entend les reconduire à l’issue d’une telle période, elle doit prendre une décision expresse et ne peut conclure avec l’agent qu’un contrat à durée indéterminée, il ne saurait en résulter qu’un contrat à durée déterminée conclu, en méconnaissance de ces dispositions, pour une durée qui, compte tenu de la durée des contrats successifs précédemment conclus avec le même agent, conduit, en cours d’exécution du contrat, à dépasser la durée maximale d’emploi de six années, serait tacitement transformé en contrat à durée indéterminée ; que, par suite, le tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’il ne résulte pas de l’application combinée du 1er alinéa de l’article 15 de la loi du 26 juillet 2005 et de l’article 3 de la loi du 26 janvier 1984 que l’agent contractuel, titulaire d’un contrat à durée déterminée à la date de publication de la loi du 26 juillet 2005, pourrait se prévaloir d’une transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée alors même que son contrat aurait été illégalement conclu pour une durée excessive ; »
En réalité, l’arrêt n’innove pas beaucoup et vient davantage confirmer ce qui apparaissait déjà en filigrane dans la jurisprudence en cours de construction, relativement au recours abusif aux CDD.
De fait, il avait déjà été précisé, dans l’arrêt précité du 20 mars 2015, que si l’identification d’un recours abusif aux CDD donne droit à l’indemnisation du préjudice subi , elle n’est pas susceptible, en revanche de justifier une requalification en CDI.
Rien de nouveau donc, sous le soleil, mais une confirmation de ce que l’on pressentait déjà… au grand dam d’agents qui, décidément, reste les mal aimés de la fonction publique!
Cliquez ici pour consulter l’arrêt: Conseil d’État, 30 septembre 2015, n°374015, Département de la Vendée