Par Maître Fabien BOMPARD, Avocat en droit civil à GAP, Hautes-Alpes (05).
Selon l’article 1641 du code civil, « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. »
En application de l’article précité, le vice caché est le vice qui rend la chose impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminue cet usage de façon significative.
Pour que le bénéfice de cette garantie soit reconnu à un acquéreur, celui-ci doit démontrer que le vice répond aux trois caractéristiques suivantes :
- Le vice était dissimulé au moment de la vente;
- Le vice est antérieur à la vente;
- il rend la chose affectée impropre à sa destination ou diminue son usage de façon significative.
La garantie des vices cachés est applicable à tous les contrats de vente, en présence de professionnels ou de consommateurs.
Elle ouvre à l’acquéreur une option entre la résolution de la vente (c’est l’action rédhibitoire, qui, si elle est accueillie, conduit à la restitution de la chose vendue au vendeur et du prix à l’acquéreur) ou une diminution du prix (c’est l’action estimatoire).
L’acquéreur peut également obtenir le remboursement des frais occasionnés par la vente et, en cas de mauvaise foi du vendeur, des dommages-intérêts.
En application du principe de non cumul des actions en responsabilité contractuelle et délictuelle, l’acquéreur ne peut pas cumuler action en garantie des vices cachés et action pour défaut de délivrance conforme. L’action en défaut de délivrance conforme suppose, non un vice caché, mais un défaut de conformité, lequel consiste en une différence entre la chose convenue et la chose livrée.
La question s’est alors trouvée posée en jurisprudence et en doctrine de la possibilité de cumuler l’action en garantie des vices cachés et l’action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol ou la réticence dolosive commis avant ou lors de la conclusion du contrat. Les avis divergeaient et d’aucuns estimaient, par une raisonnement par analogie avec le principe de non-cumul de l’action en garantie des vices cachés et en défaut de délivrance conforme, que ces deux actions ne pouvaient pas se cumuler.
Dans un arrêt du 23 septembre 2020, la Cour de Cassation a tranché le débat : l’action en garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue n’est pas exclusive de l’action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol ou la réticence dolosive commis avant ou lors de la conclusion du contrat.
Les faits soumis à la Haute Cour étaient les suivants : après la vente d’un immeuble, des désordres sont découverts à l’occasion de travaux de rénovation. L’acquéreur attrait le vendeur en justice sur le fondement de la garantie des vices cachés. Pour une raison propre à la procédure suivie par les parties et qui n’intéresse pas le présent commentaire, la péremption de l’instance a été constatée. L’acquéreur décide alors d’assigner le vendeur en réparation du préjudice résultant du coût de travaux et du préjudice de jouissance, pour réticence dolosive, sur le fondement de l’article 1382, devenu 1240 du Code civil, dont il résulte que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer« .
La cour d’appel d’Aix-en Provence (30 avril 2019) avait rejeter l’action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol, au motif que la réparation des désordres affectant la chose vendue et ayant la nature de vices rédhibitoires ne peut être sollicitée qu’au titre de l’action en garantie des vices cachés.
L’arrêt d’appel est cassé et décide que:
« L’action en garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue n’est pas exclusive de l’action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol ou la réticence dolosive commis avant ou lors de la conclusion du contrat. »
Ainsi, l’acquéreur a le choix : soit il cumule les deux actions soit il ne retient qu’une seule. Dans ce cas, il n’entend pas poursuivre la nullité de la vente mais uniquement indemnisation du préjudice subi en raison du dol commis par le vendeur avant la formation du contrat ou à l’occasion de celle-ci .
L’arrêt du 23 septembre 2020 a également pour effet de permettre à l’acquéreur ayant dépassé le délai de deux ans de l’article 1648 du code civil de demander réparation du préjudice résultant du dol c l’ayant conduit à tromper son discernement afin de le convaincre de contracter.
Le dol constituant une faute commise lors de la période précontractuelle, la faute est délictuelle, contrairement à ce qu’avaient indiqué les juges d’appel qui avaient jugé qu’il s’agissait d’une faute contractuelle. Le dol, en application de l’article 1116 devenu 1137 du code civil, est non seulement une cause de nullité du contrat mais également un délit civil, ouvrant à la victime une action en responsabilité indépendante de l’action en nullité.
Pour consulter l’arrêt, cliquer sur le lien suivant: Cass. 3e civ., 23 sept. 2020, n° 19-18.104