Écrit par
Maître Elodie DUCREY‑BOMPARD
Dossiers

Notre cabinet d'avocats, à GAP, dans le département des HAUTES-ALPES, vous assiste dans toutes vos procédures de séparation de corps, divorce et après divorce. N'hésitez-pas à nous contacter pour obtenir des renseignements complémentaires : contact@alpavocat.fr

LE DEVOIR DE SECOURS

  • Le devoir de secours : principes directeurs


Le mariage fait naître entre les époux une relation de droit qui est composée de droits et de devoirs qu'ils se doivent mutuellement.

Au titre de ces obligations figure le devoir de secours et celui d'assistance (article 212 du Code civil), lesquels sont l’expression de la solidarité sur laquelle repose le mariage. Cette solidarité est à la fois morale et matérielle car il est d'usage de considérer l'assistance comme un devoir d'ordre personnel et le secours comme un devoir d'ordre pécuniaire.

Pour ce qui nous concerne donc plus précisément, le devoir de secours renvoie ainsi à l'entraide pécuniaire entre les époux. Dans le cours d'une vie quotidienne normale, qui présume une entente minimale et une communauté de vie, le devoir de secours existe en tant qu'obligation potentielle mais il n'a pas à être exécuté en tant que tel : chacun contribue, en effet, à proportion de ses facultés respectives aux charges du mariage et aux besoins de la communauté de vie.

Pour le dire autrement, lorsque les époux vivent ensemble, le devoir de secours n'est pas exigible puisqu'il se matérialise naturellement dans la vie quotidienne du couple.

En revanche, lorsque la communauté conjugale se dérègle et se désagrège, et notamment lorsque le couple se sépare, le devoir de secours s'incarnera de façon autonome et distincte.

La contribution aux charges, qui se faisait "naturellement", du fait de la cohabitation des époux (l'un participant par ses salaires par exemple, l'autre par les tâches ménagères, etc.), disparaît et c'est alors que le devoir de secours devient directement exigible.

Le devoir de secours prend alors la forme d'une pension alimentaire, mise à la charge de l'un des conjoints, au profit de l'autre époux, dont la situation est moins favorable.
Cette pension pourra être déterminée d'un commun accord entre les époux mais le plus souvent, c'est au Juge aux Affaires Familiales qu'il reviendra d'en arbitrer le montant.

A noter ! l'existence d'une disparité dans les niveaux de vie suffit, en théorie, à justifier la fixation d'une pension alimentaire au profit de celui dont la situation est la moins florissante, lors même que sa situation matérielle et financière ne serait pas catastrophique.

Classiquement, les tribunaux ont coutume de dire que le versement d'une pension alimentaire au titre du devoir de secours n'a pas pour seul objet de permettre à l'époux créancier de subvenir aux besoins minimaux de l'existence (logement, nourriture, vêtements, soins), mais aussi de lui garantir, autant que faire se peut, le maintien d'un niveau de vie proche que connaissait le couple ou de celui de l'autre conjoint.

La pension alimentaire devoir de secours peut donc être fixée dans le cadre d'une instance en divorce ou en séparation de corps; dans le premier cas, il s'agira d'une mesure provisoire, qui n'aura de cours que le temps de la procédure et qui s'éteindra avec le prononcé définitif du divorce; dans le second cas, cette pension ne deviendra caduque qu'en cas de rejet définitif de la demande en séparation de corps, de conversion de celle-ci en divorce ou de décès de l'un des conjoints.

En effet, la séparation de corps laisse subsister le mariage et avec lui les devoirs qu'il sous-tend; seule disparaît l'obligation de cohabitation.

 

  • Le devoir de secours : modalités

En principe, le devoir de secours, en cas de séparation, se matérialise par la fixation d'une somme que doit verser mensuellement le débiteur, il s'agit de la pension alimentaire. Ce devoir de secours peut toutefois s'exprimer sous d'autres formes, voire sous forme mixte, c'est-à-dire l'octroi d'une pension alimentaire ainsi qu'un autre avantage.

En particulier, les tribunaux sont régulièrement amenés à accorder la jouissance privative au conjoint créancier d'un logement appartenant personnellement au conjoint débiteur ou la jouissance privative d'un logement commun, en dispenser celui-ci paiement d'une indemnité d'occupation.

Le principe, en matière d'occupation privative d'un immeuble indivis ou propre au conjoint pendant l'instance en divorce, est en effet celui du paiement d'une indemnité d'occupation. Par exception, la jouissance privative peut être accordée à titre gratuit (sans indemnité d'occupation) et constitue alors une modalité d'exécution du devoir de secours, lequel s'exécute ainsi en nature.

En pareil cas, le débiteur pourra se voir décharger de toute pension alimentaire ou le montant de cette pension tiendra compte de cette occupation gratuite du logement.

 

  •  Le devoir de secours : révision, suppression et déchéance

La pension alimentaire fixée au titre du devoir de secours est toujours provisoire.

Cela signifie qu'elle est révisable, au regard de l'évolution des ressources et des besoins de chacun des époux.

En d'autres termes, cette pension peut être augmentée ou réduite, voire supprimée au gré de changements qui interviennent dans les situations respectives des époux. Cette révision n'est cependant pas automatique et nécessite l'intervention du juge, qu'il s'agisse d’entériner l'accord des époux ou de statuer sur la demande de révision formée par l'un des conjoints.

Enfin, il convient de rappeler, pour être exhaustif, qu'il existe un principe de déchéance du droit à pension alimentaire “quand le créancier aura lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire”. L'application de ce mécanisme à la pension alimentaire due en cas de séparation de corps est expressément prévue par le Code civil (articles 207 et 303 du Code civil) mais non en cas de divorce. Conséquence: l'époux fautif pourra (sauf exception, voir ci-après) se voir octroyer une pension alimentaire dès lors qu'il existe une disparité en sa défaveur, peu importe la nature et l'ampleur de ses torts!

 

  • Le devoir de secours : sanctions en cas de non respect

Lorsque le devoir de secours prend la forme d'une pension alimentaire, le législateur a prévu un dispositif efficace pour aider le créancier qui n'est pas réglé à recouvrer son dû. Il s'agit de la procédure spéciale de paiement direct et de la procédure de recouvrement public. Le créancier se rapprochera ainsi d'un huissier de justice, qui fera son affaire de la mise en oeuvre de ces procédures, aux frais exclusifs du débiteur récalcitrant.

Il existe, en outre, des sanctions pénales, qui peuvent être prononcées contre le conjoint débiteur qui n'exécute pas son obligation alimentaire; car, en effet, le non règlement d'une pension alimentaire est constitutif du délit d'abandon de famille (article 227-3 du Code pénal).

Le conjoint débiteur encourt alors jusqu'à deux ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

Enfin, le manquement au devoir de secours peut donner lieu à une sanction dans le cadre du divorce en lui-même, dès lors que l'abandon de famille peut justifier que le divorce soit prononcé pour faute, aux torts exclusifs du débiteur, avec éventuellement attribution de dommages-intérêts au profit de l'époux créancier.

 

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LA PRESTATION COMPENSATOIRE

  • La prestation compensatoire : objet

Le divorce, qui marque la dissolution des liens du mariage, met fin à toutes les obligations inhérentes à celui-ci. En conséquence, avec le prononcé du divorce, s'éteint le devoir de secours.
Cela signifie qu'après le prononcé du divorce, une personne qui viendrait à tomber dans le besoin, ne serait pas en droit de demander une aide matérielle auprès de son ancien conjoint.

Cependant, afin d'éviter que le divorce ne s'accompagne d'une trop grande disparité entre les ex-conjoints, il existe un dispositif de de rééquilibrage patrimonial de l'après-divorce, qui peut s'appliquer dans toutes les formes de divorce, y compris en cas de divorce pour faute.
Il s'agit de la "prestation compensatoire", dont la vocation est de compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux.
Pour l’essentiel et dans l'esprit, la prestation compensatoire vise à indemniser les sacrifices consentis par l’un des époux et qui ont permis à l’autre conjoint d’évoluer professionnellement; dans les faits, la pratique des tribunaux vise à écarter l'appréciation de la notion de sacrifices, pour ne pendre en compte que la notion de disparité. Il suffit qu'une disparité pointe, peu importe qu'elle fût présente dès l'origine, donc dès avant la célébration des noces, pour que le conjoint défavorisé se voie reconnaître un droit à prestation compensatoire.

Important! Cette prestation peut être allouée à un époux qui n'est pas dans le besoin: pour qu'elle soit due, il suffit, en principe, de constater un déséquilibre financier et/ou patrimonial, résultant du divorce.
La prestation compensatoire a désormais vocation à intervenir dans tous les types de divorce (ce qui n'était pas le cas avant la réforme de 2004). Le conjoint reconnu exclusivement fautif a le droit de demander une telle indemnité.

Il n'est pas possible de renoncer par avance à ce droit; ainsi, une convention par laquelle un époux déclarerait renoncer à toute demande de prestation compensatoire serait déclarée nulle en justice.

  •  La prestation compensatoire : forme et montant

Classiquement, la prestation compensatoire prend la forme d'un capital que l'époux débiteur devra verser, dans un délai d'un an, à son ancien conjoint. Mais ce capital peut aussi être versé en plusieurs fois, dans la limite de 96 mensualités (8 ans); la prestation peut aussi être fixée sous forme de:

  • - une rente viagère ;
  • - l'attribution de biens en propriété;
  • - l'attribution d'un droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit.

Le montant de la prestation est fixé selon les besoins de l'époux créancier et selon les ressources de l'époux débiteur, en fonction de leurs situations respectives au moment du divorce et de l'évolution prévisible de celles-ci. Il n'existe pas de grille officielle et uniforme de détermination du montant de l'indemnité; celle-ci se fait au cas pas cas selon les situations propres de chaque famille.

Quel que soit le type de divorce engagé, les époux peuvent convenir du montant et de la forme que revêtira la prestation compensatoire. Le juge homologuera alors cet accord, sous réserve que celui-ci est conforme à la loi et aux intérêts de chacun. En cas de désaccord, que celui-ci porte sur le principe même de la prestation, son montant ou ses modalités de règlement, le Juge aux Affaires Familiales statuera au regard des situations objectives des parties.
En cas de désaccord sur le principe de la prestation compensatoire, le Juge devra déterminer si celui des époux qui la réclame peut effectivement prétendre à une telle indemnité. L'objet de cette prestation étant de compenser un déséquilibre financier, causé par la rupture du mariage, dans les conditions de vie de chaque époux, le seul constat de ce déséquilibre suffit, en principe, à justifier l'attribution d'une prestation compensatoire. Cependant, le Juge aux Affaires Familiales a le pouvoir de refuser d'attribuer une telle indemnité au profit du conjoint défavorisé, de manière exceptionnelle et nonobstant l'existence d'un déséquilibre financier, si l'équité le commande. Il existe donc une certaine marge d'appréciation, assez ténue car correspondant surtout à des cas exceptionnels, où l'équité justifie que celui qui souffre d'une réelle disparité se voie refuser son droit à compensation.

Le refus doit alors être motivé en considération de paramètres objectifs (ressources de celui à qui on la réclame, évolution prévisible de la situation des époux, âges et état de santé des époux, etc.) ou plus subjectifs, de l'ordre de la morale, de l'éthique, tenant aux circonstances particulières de la rupture, si celui qui demande la prestation compensatoire est exclusivement fautif.
S'agissant de la fixation du montant de la compensation, celle-ci est réalisée à la faveur d'une appréciation la plus large de la situation, des ressources, des charges et du patrimoine de chacun.

Ainsi, aux termes de l'article 271 du Code civil, le juge prend en considération, outre les besoins de l'époux créancier et les ressources de l'époux débiteur, les éléments suivants:
• - la durée du mariage ;
• - l'âge et l'état de santé des époux ;
• - leur qualification et leur situation professionnelles ;
• - les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
• - le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
• - leurs droits existants et prévisibles ;
• - leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa.

Nos avocats, à GAP, dans le département des HAUTES-ALPES, sont à même de vous conseiller et de vous informer davantage sur vos droits ou obligations.