Tout le monde connaît aujourd’hui l’énergie solaire photovoltaïque. Cette technologie relativement nouvelle enclenche cependant de nombreux risques pas encore totalement définis.En 2012, de nombreuses entreprises françaises se sont engagées dans cette filière qui paraît être suffisamment rentable pour que les assureurs aient aussi vu un créneau dans le domaine d’assurance des risques, .liés à cette activité.Pourtant, aujourd’hui, les entreprises souffrent de multiples contraintes pour assurer leurs construction photovoltaïques, d’’autant que la loi française soumet les constructeurs ainsi que les constructions à une obligation d’assurance.Cette obligation d’assurance découle de celle créée par le loi SPINETTA, du 4 janvier 1978.
Un rapport paru sur le sujet – Fabien Hentzy- L’assurance construction du risque photovoltaïque- 2012 propose une réflexion sur ce sujet démontrant que la loi, telle qu’elle est appliquée aujourd’hui impose une double obligation d’assurance.
- Une assurance dite de « responsabilité », imposée aux constructeur ( la police décennale) et qui couvre les dommages pouvant nuire à la solidité de l’ouvrage et le rendre ainsi impropre à sa destination, et ce pendant 10 ans à compter de la réception des travaux
- Une assurance dite de « dommages » , à laquelle doit souscrire le maître d’ouvrage, c’est-à-dire le destinataire final de la construction (la police dommages-ouvrage) pour couvrir les dommages qui pourraient survenir sur sa construction.
Le fabricant d’un ouvrage, d’une partie d’ouvrage ou d’un élément d’équipement conçu pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d’ouvrage qui a mis en œuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l’ouvrage, la partie d’ouvrage ou élément d’équipement considéré.
Pour que se perce le mystère des EPERS (Eléments Pouvant Entraîner la Responsabilité Solidaire (des fabricants)).tel qu’il nous est posé par l’article 1792-4 du code civil, il convient avant tout d’en rappeler la signification:
Ordinairement, la présomption de responsabilité dont répondent les constructeurs découle du contrat de louage d’ouvrage, lien privilégié qui les relie à un Maître d’Ouvrage. A l’inverse, les fabricants de matériaux de construction sont parfois liés par un contrat de vente avec le constructeur qui met en œuvre le produit livré.
Ce contrat de vente n’a pas les mêmes effets qu’un contrat de louage d’ouvrage, en ce sens que le vendeur échappe à toute présomption s’agissant des vices cachés affectant son produit
L’EPERS est l’exception qui vient confirmer cette règle, en venant instituer une solidarité entre le constructeur (locateur d’ouvrage) et le fabricant.
Mais cette exception demeure extrêmement difficile à mettre en pratique, d’autant qu’il n’existe aucune liste légale et officielle recensant les matériaux assimilés aux EPERS, le Conseil d’Etat ayant censuré toute velléité de classement ou de liste diffusés par les pouvoirs publics.
A quoi reconnaît-on alors un EPERS ?
La Circulaire n°81-04 du 21 janvier 1981 du Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie a singulièrement compliqué le débat, en proposant des critères d’appréciation à manipuler avec précaution.
Ce texte a lié la notion d’EPERS avec la nature industrielle des techniques de fabrication en constante évolution, qui intègrent des études de conception souvent très poussées.
Selon la circulaire, « il importait d’inciter les entrepreneurs à utiliser ces nouveaux produits sans qu’ils aient à vérifier par le détail leurs performances ». Autrement dit, la fabrication de ces produits s’avère tellement spécifique que les fabricants concernés devaient partager avec le constructeur la présomption légale de responsabilité. Un Maître d’Ouvrage peut donc dans certaines circonstances demander réparation d’un dommage solidairement à un entrepreneur et un fabricant.
Mais cette solidarité pour le fabricant implique 4 conditions draconiennes cumulatives:
1) Une partie de la conception est déplacée:
Incorporée au produit, elle est retranchée de la mission de conception lors du chantier.
Ici, le fabricant assume son process industriel. Les études qui ordinairement pouvaient être effectuées par l’entrepreneur ou le Maître d’Oeuvre sont déjà intégrées dans le produit fini. Les metteurs en œuvre n’ayant plus qu’à incorporer le produit à l’ouvrage en respectant les directives du fabricant.
2) La prédétermination en vue d’une finalité spécifique d’utilisation:
Ici, la conception endossée par le fabricant est développée pour un usage, une finalité spécifique d’utilisation. Se trouvent donc exclus du champ des EPERS tous produit dont l’utilisation reste indifférenciée tant que le concepteur de l’ouvrage n’a pas décidé de leur emploi. (c’est l’exemple des tuiles, non vouées à un usage exclusif, précis et déterminé à l’avance)
3) La satisfaction, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance:
Le fabricant confère à son produit un souci de performance répondant aux exigences précises que l’on sera en droit d’attendre de l’ouvrage achevé. D’après la circulaire, la notion d’exigences « transcende celle de rôle ou de fonction » pour parler d’un « certain niveau de réponse à la multiplicité des attentes ». Si ce critère demeure l’essence même de la notion d’EPERS, il est également celui dont l’usage est le plus malaisé.
4) La capacité du produit à être mis en œuvre sans modifications:
L’intégration à l’ouvrage exclut donc toute modification du produit, que ce soit dans la forme (ajout ou suppression de matière) ou dans la pose (respect scrupuleux des règles de pose édictées par le fabricant qui rappelons-le, a conçu son produit pour un usage bien déterminé) L’entrepreneur n’a donc pas à faire appel à des études spécifiques pour adapter le produit à l’usage pour lequel il a été vendu.
L’assimilation de ces critères, reconnaissons-le, est extrêmement abstraite. Des exemples de qualifications adoptées par des juridictions ou des organismes professionnels nous donnent néanmoins une approche empirique de la question.
La question n’en revêt pas pour autant un intérêt uniquement théorique, car la solidarité encourue par un fabricant aux côtés d’un locateur d’ouvrage en cas de sinistre peut s’avérer problématique, et change fondamentalement le contexte de sa défense : combattre une présomption devient alors plus ardu qu’une défense classique dans le cadre de la garantie des vices cachés.
L’expérience montre toutefois que le Maître d’ouvrage, qui a le choix de mettre en cause le fabricant ou l’entreprise, opte généralement pour cette dernière. Ce choix est bien évidemment facilité par les liens contractuels directs qu’il a la plupart du temps avec l’entrepreneur qu’il connaît, alors qu’il ignore souvent les coordonnées du fabricant pourtant solidairement responsable[1]
Maître Brigitte MUNDUBELTZ
[1] Cf publication sept 2004 Serge Barraud