Écrit par
Maître Elodie DUCREY‑BOMPARD
Actualités jurisprudentielles

Au travers de l’arrêt présentement commenté, le Conseil d’Etat est venu préciser les conditions de classement de parcelles en zones A des plans locaux d’urbanisme et a admis que des parcelles  qui sont, au moins partiellement, artificialisés et dépourvues de caractère agricoles peuvent être classées en zone agricole.

En premier lieu, le Conseil d’Etat précise qu’en vertu des articles L. 151-5, L. 151-9, R. 151-22 et R. 151-23 du code de l’urbanisme « une zone agricole, dite  » zone A « , du plan local d’urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d’aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. »

Cependant, la Haute Juridiction apporte une précision d’importance:  le classement en zone A de telles parcelles qui ne présentent pas de caractère agricole est admis si celles-ci sont implantées en bordure de terres agricoles dans un secteur qui n’est pas urbanisé et si ce même classement correspond au parti d’urbanisme choisi par la commune.

Telle était la solution que préconisait le rapporteur public, M. Olivier Fuchs, dans ses conclusions, invitant le Conseil d’Etat à se garder d’une approche « trop restrictive » de la définition des zones A :

« C’est en effet un secteur qu’il appartient de définir, en adoptant donc une focale plus large que la seule parcelle [...]

Une approche trop restrictive de la définition des zones A s’accorderait en outre mal, à nos yeux, avec la liberté que vous entendez laisser aux auteurs d’un plan local d’urbanisme pour traduire le parti d’aménagement dans les documents réglementaires, en particulier dans  le temps. Celle-ci se traduit par un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation par les juges  du fond. […]

Il nous semble plus généralement judicieux de permettre, sous certaines conditions, de classer en zone A certains terrains même lorsqu’ils sont artificialisés afin d’abord d’éviter que la surface artificialisée soit étendue et ensuite de lutter contre la « tentation de la tâche d’huile », qui conduirait à un phénomène progressif de grignotage des parcelles agricoles  contigües. Cet élément n’est pas neutre dans un contexte où la préservation des terres agricoles et la lutte contre l’artificialisation des sols est devenue un objectif majeur des politiques publiques [...]

Des parcelles peuvent légalement être inscrites en zone A dès lors que, du fait de leurs caractéristiques, elles participent à la cohérence de la zone agricole plus largement définie, y compris, parfois, lorsque leur potentiel agricole propre est faible voire nul ».

 

Le Conseil d’Etat s’est rangé à cette position , en jugeant:

« 3. Il résulte de ces dispositions qu’une zone agricole, dite  » zone A « , du plan local d’urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d’aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.

4. En premier lieu, après avoir relevé que les cinq parcelles dont les requérantes contestent le classement en zone A du plan local d’urbanisme de la commune de Saint-Nolff sont situées en limite ouest du territoire communal, en dehors des parties urbanisées de la commune, dans une partie de son territoire qui présente, très majoritairement, un caractère agricole, la cour a pu, sans erreur de droit, ne pas rechercher si les parcelles en cause présentaient elles-mêmes un caractère de terres agricoles, mais se fonder sur la vocation du secteur en bordure duquel ces parcelles se situent, dont le caractère agricole est avéré, sur le parti d’urbanisme de la commune, consistant à ne pas permettre l’étalement de la zone urbaine contiguë à ce secteur sur le territoire de la commune voisine de Saint-Avé, et sur la circonstance que les parcelles en cause ne supportent que des constructions légères et des aménagements d’ampleur limitée, pour apprécier la légalité du classement des parcelles en zone A. Elle n’a pas fait peser sur les sociétés requérantes la charge de la preuve de l’absence de tout potentiel agronomique, biologique ou économique du secteur en cause.

6. En second lieu, si la cour administrative d’appel a souverainement relevé que la parcelle D 982 est désormais artificialisée en quasi-totalité par la présence d’une dalle d’entreposage de bennes à déchets et que les parcelles AT 464 et 611 sont partiellement construites, en estimant que le classement de l’ensemble des parcelles litigieuses en zone A n’était pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, compte tenu notamment de ce que ces parcelles sont en dehors des parties urbanisées de la commune, dans une zone très majoritairement agricole, et eu égard à leur potentiel économique en lien avec l’activité agricole, elle n’a pas entaché son arrêt d’une erreur manifeste d’appréciation. »

==> A retenir: la légalité du classement de terrains en zone A n’est pas appréciée au regard de de leurs caractéristiques agricoles propres mais en considération de leur insertion ou non dans un périmètre présentant un caractère agricole.
 

Pour consulter l’arrêt, cliquer sur le lien suivant:  CE 6ème – 5ème chambres réunies, 3 juin 2020, Sociétés Inerta et Océane, req. n° 429515