Écrit par
Maître Elodie DUCREY‑BOMPARD
Actualités jurisprudentielles

La cour d’appel de Toulouse vient de rendre, le 13 décembre 2022, un arrêt intéressant car il nous renvoie aux sources du droit civil et aux principes fondamentaux suivants :

  • la faute engage la responsabilité de son auteur à l’égard de la victime ;
  • pour autant que cette faute soit à l’origine d’un préjudice réel, direct et certain.

Cela signifie que la victime qui entend rechercher la responsabilité d’un tiers doit non seulement démontrer la réalisation d’une faute mais également le lien de causalité entre cette faute et son préjudice.

C’est ce qu’a appris à ses dépens le patient X dans l’arrêt commenté.

Monsieur X, qui exerçait en tant que masseur-kinésithérapeute, a fait dans la nuit une chute dans un escalier. Il a été vu au CHU pour traumatisme crânien avec perte de connaissance et amnésie, plaie du cuir chevelu frontal et pariétal, cervicalgies, facture du poignet gauche. 

Il a  été opéré le jour même par le docteur Y, au sein de la clinique Z.

Le docteur Y a procédé à l’opération du poignet gauche sans complications.

Monsieur X, après les séances de rééducation prescrites, a présenté par la suite un syndrome neuroalgodystrophique sévère associant une raideur de l’épaule et des chaînes digitales incompatibles avec son activité professionnelle de kinésithérapeute, ce qui a occasionné un syndrome dépressif.

M. X a saisi la Commission de Conciliation d’indemnisation des accidents médicaux (CCI) par requête du 20 avril 2016, laquelle a ordonné une expertise médicale. Cette expertise a conclu que l’algodystrophie peut être consécutive à l’évolution naturelle de la fracture du poignet, d’autant que M. X présentait une tendinopathie calcifiante non récente du sus épineux, asymptomatique avant la chute, ce qui constitue un état de vulnérabilité susceptible d’induire l’apparition d’un syndrome algodystrophique et qu’il n’existe aucun lien de causalité certain et direct entre la prise en charge de M. X par M. Y et la survenue de ce syndrome.

Par avis du 5 octobre 2016, la CCI a dit n’y avoir lieu à indemnisation possible par la solidarité nationale en application des dispositions de l’article L 1142-1 du code de la santé publique et rejeté la demande d’indemnisation de M. X aux motifs qu’aucune faute ne pouvait être reprochée à M. U, et qu’aucune indemnisation par la solidarité nationale n’était possible, en l’absence de lien de causalité entre sa pathologie et l’intervention chirurgicale.

M. X a, par actes 13, 14 et 28, juin et 4 juillet 2017, assigné en déclaration de responsabilité et/ou indemnisation de son préjudice l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam) et le docteur Y, en présence de la Cpam de la Haute Garonne, de l’lPECA Prévoyance et de la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes, dite Carpimko en leurs qualités de tiers payeurs.

Le jugement rendu en première instance rejette la demande.

Monsieur X en relève appel.

La Cour va alors elle aussi rejeté la demande mais en adoptant un raisonnement légèrement différent des premiers juges.

La Cour retient, tout d’abord, qu’aucune faute n’a été commise par le chirurgien dans son acte d’opérer.

En revanche, elle relève que celui-ci a manqué à son obligation d’information.

En effet, par application de l’article L 1111-2 ancien du code de la santé publique, dans sa version applicable en la cause, toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. 

Seule l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent dispenser le praticien de son obligation.

En cas de litige, il appartient au professionnel d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé. Cette preuve peut être apportée par tout moyen.

Dans l’espèce qui nous intéresse, la Cour indique qu’il n’y a pas eu de consentement éclairé signé et que le Dr Y ne démontre pas avoir délivré l’information sur les risques de l’opération; et l’état du patient ne présentait pas le caractère d’un cas d’urgence dispensant le praticien du respect de son obligation d’information.

Il y a donc eu manquement au devoir d’information.

Cependant, la cour estime qu’il n’y a pas de preuve du lien de causalité entre l’opération et l’algodystrophie dont souffre M. X.

Les préjudices invoqués étaient la perte de chance de renoncer à l’opération, et le préjudice moral d’impréparation. La Cour répond ici que le demandeur ne prouve pas que c’est l’opération qui est la cause de l’algodystrophie. Le lien de causalité entre le défaut d’information et le préjudice moral d’impréparation allégué n’est donc pas démontré.

La demande est rejetée.